Politique d'extermination des gangs au Honduras by Gaëlle Sévenier
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Ce phénomène de meurtres de jeunes suspectés d'appartenir à des gangs n'est pas nouveau. Depuis 1998, plus de 2200 meurtres ont été recensés. De nombreux témoignages prouvent qu'au moins une fois par mois, une " voiture grise " ou " rouge " débarque à l'improviste là où vivent généralement les membres des gangs. Leurs occupants donnent l'ordre aux adolescents de se dévêtir pour vérifier s'ils portent un tatouage. Si c'est le cas, ils sont tués sur le coup, généralement d'une balle dans la tête, ou bien ils sont emmenés en voiture, torturés, et on ne les revoit jamais. Personne ne sait qui sont ces escadrons de la mort. Certains disent que la police est dans le coup. D'autres parlent de groupes de vigiles embauchés par des hommes d'affaires afin de protéger leurs négoces et leurs entreprises. Qui que soient ces meurtriers, le gouvernement du Honduras " est responsable de mener une politique de " laisser-faire " en n'ordonnant pas d'enquête et en ne poursuivant pas de manière efficace les assassins, " dénonce dans un rapport Bruce Harris, ancien président de l'ONG Casa Alianza. " Cet échec évident de l'Etat hondurien qui ne punit pas les responsables de meurtres d'enfants n'est pas seulement une politique de " laisser-faire ", mais peut être également interprété comme un encouragement à d'autres personnes à perpétrer ce genre d'actions illégales contre les membres de gangs au Honduras. " Le phénomène des gangs est un problème récurant en Amérique Centrale. Les gangs appelés " Maras " sont un produit " Made in USA". Le nom de Mara vient de " Marabunta ", une fourmilière africaine géante qui dévore tout sur son passage. Durant les années 60, les gangs des Etats Unis se sont baptisés ainsi dans le but d'envahir la ville de Los Angeles. Lorsque les immigrés Latinos sont retournés dans leur pays, ils ont recréé les mêmes structures de gangs en Amérique Centrale. La crise économique qui a suivi le désastre écologique de l'ouragan Mitch, en novembre 1998, n'a fait qu'attiser le phénomène des gangs au Honduras. De nombreuses familles se sont retrouvées dépourvues de logement et de salaire : aujourd'hui, plus de 300 000 enfants vivent de façon marginale dans les rues du Honduras. Pour se recréer une identité sociale et un environnement familial, nombre d'entre eux se sont tournés vers la délinquance en rejoignant un des 475 gangs du pays. Delmer habite dans un quartier pauvre de San Pedro Sula, la deuxième ville du Honduras. Du haut de ses 23 ans, il serre très fort dans ses bras sa petite fille âgée d'un an et demi. Les tatouages qui couvrent entièrement son corps n'impressionnent pas l'enfant qui connaît très bien le pouvoir de ses grands yeux sur son papa. C'est lorsqu'il avait 10 ans que Delmer est entré dans le Gang " Sur 13 ", après que son père ait quitté sa mère, la laissant sans aucune ressource. " Le gang était pour moi une véritable famille " explique Delmer. " Nous habitions tous ensemble. Si l'un d'entre nous ne mangeait pas, personne ne mangeait. " Aujourd'hui, le jeune homme inscrit dans un programme de réinsertion sociale se trouve confronté aux meurtres de la plupart de ses amis et de ses frères. Il craint pour sa vie et pour la sécurité de son enfant. La majeure partie de la société considère ces adolescents comme une " maladie sociale ", des " fourmis à écraser. " Cela atteint des proportions telles que tout adolescent qui porte un tatouage, un pantalon large, une boucle d'oreille, ou qui a le crane rasé, est automatiquement catalogué comme un dangereux criminel. Mais les membres des gangs restent des enfants qui ont grand besoin de programmes de réinsertion sociale. Le gouvernement hondurien semble pour sa part penser différemment. En novembre, Ricardo Maduro, leader du parti nationaliste d'opposition, a remporté les élections avec comme slogans " tolérance zéro " et " guerre contre la délinquance. " A partir de ce jour, les meurtres d'adolescents n'ayant aucune suite judiciaire ont augmenté considérablement au Honduras. Les autorités, officiellement impliquées dans plus de 25% des crimes, semblent déguiser les assassinats en affrontement entre gangs ennemis, ou bien profitent des règlements de compte entre gangs en " laissant faire " afin d'éliminer les éléments gênants de la société hondurienne.
Delmer a lui-même fait l'expérience de la violence des autorités honduriennes. La dernière fois qu'il a été interpellé par la police, il revenait de l'enterrement d'un jeune garçon assassiné. " J'étais assis, on se détendait un peu avec d'autres jeunes " explique l'ancien membre de la " Sur 13. " " Ils sont arrivés et nous ont dit : " Debout, montez dans la voiture. " Et là ils m'ont pris, m'ont déshabillé et m'ont attaché en l'air par les pieds. Ils m'ont ensuite tabassé avec une batte en aluminium jusqu'à ce qu'ils me laissent tomber la tête la première par terre. Ils ont aussi tiré dans le pied d'un des jeunes lorsqu'ils l'ont capturé. Personne n'essayait de s'enfuir pourtant, on ne faisait que se reposer. Ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent avec les jeunes ici " Ce qui est arrivé ce jour là à Delmer n'a rien d'exceptionnel
dans les quartiers pauvres du Honduras. Un des amis de Delmer, Victor,
vient récemment d'être victime d'un officier de police qui
lui a tiré dans la colonne vertébrale, le laissant paralysé
à vie. Victor n'appartenait pourtant à aucun gang, il était
juste un peu ivre lorsqu'il a été interpellé un soir
par la police. " Selon la police, il s'enfuyait et c'était
un " dangereux criminel," " explique Delmer. " C'est
un mensonge. Mais ici, c'est la version qu'ils donnent qui est écoutée,
pas la nôtre. " D'autres organisations des Droits de l'Homme dénoncent les crimes restés impunis. Lors d'une visite au Honduras, une représentante de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, Asma Jahangir, a dénoncé " un climat dans lequel les enfants sont assassinés en toute impunité ". Ce qu'elle a vu et entendu lors de son séjour au Honduras " montre de façon évidente que des enfants sont tués au Honduras par des membres des forces de sécurité ". En août 2002, un membre du Comité de la Défense des Droits de l'Homme au Honduras (CODEH), Andrès Pavon, assurait, lors d'une conférence de presse que " la police n'est pas seulement responsable de cas de tortures : des officiers hauts placés sont également coupables de meurtres. " Amnesty International lance un appel à la communauté internationale pour faire pression sur le gouvernement hondurien et faire cesser les massacres. Aujourd'hui, même l'église catholique dénonce la " passivité " de l'Etat devant les 2 200 meurtres de jeunes honduriens. L'organisation Paix et Justice aide les membres des gangs à se
réintégrer dans la société hondurienne. Ils
les ont déjà aidés à nettoyer les murs de
leurs maisons afin d'effacer les graffitis des gangs. L'un des principaux
obstacles à la réinsertion des anciens membres des gangs
sont les tatouages qui leur couvrent le corps. Les tatouages sont synonymes
de mort et de discrimination. On oblige les jeunes à se dévêtir
pour obtenir un emploi: s'ils portent un tatouage, personne ne les embauche.
Enlever un tatouage au laser coûte extrêmement cher et aucun
des jeunes ne peut se l'offrir. Pour venir en aide à ces adolescents,
l'organisation Paix et Justice a trouvé un moyen d'effacer les
tatouages grâce à un procédé à infra
rouge extrêmement long et douloureux. Le premier jour où
l'organisation a pu disposer de cet appareillage, plus de 200 adolescents
qui avaient entendu parler de ce procédé ont fait la queue
devant les portes de l'organisation, dans l'espoir que celle-ci allait
pouvoir leur offrir une nouvelle vie sans discrimination. |
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Pour aider l'organisation Paix et Justice, contactez: |